Le choeur des birettes
Quand nous avons posé nos valises à Chevaize
Espérant y trouver calme et tranquillité
Nous omîmes un instant qu’en ces contrées sans trêve
Les dernières sorcières sévissent en liberté
Nous voyant installer un petit nid douillet
Trois birettes juvéniles se virent bien inspirées
De laisser dans les bois leur chaudron mijoter
Pour venir à demeure avec leurs farfadets
Il faut dire que c’était un gîte très convenable
Où même les araignées avaient leur place à table
Et où une souris rebaptisée Tapette
Fut adoptée en même temps que les trois birettes
Les trois sœurs sans scrupule envahirent notre vie
Et fêtèrent leur victoire d’un sabbat permanent
Depuis lors nous ne sommes qu’esclaves des harpies
Harassés par leurs jeux mais quand même consentants
Les gorgones infernales surent bien vite nous séduire
D’un clin de leurs yeux bleus qui tant nous pétrifient
Et partant si souvent d’un grand éclat de rire
Secouant leurs cheveux blonds, soyeux serpents exquis
Quand l’une pleure, l’autre rit et les trois s’égosillent
Lâchant l’une nous courons rattraper l’autre au vol
L’une consent à dormir, l’autre repart en vrille
Et la troisième est emparée d’un rire fol
Quand le soir les birettes consentent à nous laisser
Epuisés nous sombrons dans un sommeil léthal
Dans nos rêves hantés la triplette endiablée
Chante en chœur ce couplet de leurs lointaines aïeules :
« Double, double, peine et trouble
Feu, brûle ; et, chaudron, bouillonne
Double, double, peine et trouble
Je sens qu'un maudit vient par ici
Œil de salamandre, orteil de grenouille
Poil de chauve-souris et langue de chien
Langue fourchue de vipère, dard de reptile aveugle
Patte de lézard, aile de hibou »
(Hamlet, le chœur des sorcières, William Shakespeare
Traduction de François-Victor Hugo
Retranscrite et adaptée par Quentin Lowagie)