Mise en abyme
Il y a quelque chose de perverti au royaume des blogs quand on commence à créer une rubrique sur les blogs, et à parler de la vie des blogs, à les mettre en catégories, à ergoter sur leur début et leur fin, à en faire des objets de contemplation en soi. C'est ce que je suis en train de faire d'ailleurs, mais ce sera la seule et l'unique fois.
A un moment donné de la vie d'un blog, il y a une dérive tentante pour l'auteur : il commence à se mettre en scène, à illustrer ses propres états d'âme, et à théoriser ses concepts personnels à coup de "private joke" et de "running gag" (au secours amis québécois ! Vite d'autres mots !), à vouloir écrire sa propre légende et là je plaide coupable...
C'est comme si, en littérature, on se mettait à oublier qu'un roman c'est avant tout un texte qui raconte une histoire et que le personnage principal n'est pas l'auteur, les autres non plus d'ailleurs.
Et qu'est-ce d'autre qu'un genre littéraire, justement, avec le plaisir assez vertigineux de publier soi-même et d'avoir les commentaires des lecteurs ?
Certes, la vie même est forcément toujours une mise en scène de soi, discrète ou envahissante, et c'est amusant de constater ce que les gens veulent bien montrer d'eux ou cacher, et ce qui leur échappe. Dans un blog on voit le personnage se construire en direct. Mais si ça va trop loin, cela relève d'une pathologie, et là ce n'est pas le blog qu'il faut soigner (à coup d'auto-censure d'articles ou de commentaires), mais la personne.
Alors quand les délires des blogueurs cessent d'être intelligibles, et malheureusement cela m'arrive, la fenêtre qu'est le blog se referme sur un réseau de conspirateurs heureux d'être ensemble, et c'est vrai que c'est jouissif de se sentir "ensemble" (d'où peut-être le succès du roman d'Anna Gavalda, Ensemble c'est tout), mais qui se mettent à rejeter l'autre, l'étranger, celui qui ne pense pas comme eux. Et hop, les travers humains reprennent le dessus, et c'est là où l'espèce humaine n'est vraiment pas belle à voir.
Bon, allez, maintenant je retourne à mes birettes, mon canard et mon frais bocage. D'ailleurs il ne fait pas chaud là haut, je crois que l'homme blanc devrait faire rentrer du bois...